Est-ce que les animaux ont eux aussi des corps flottants ?
Oui. Les animaux aussi peuvent avoir des corps flottants dans les yeux. Ces opacités du vitré, appelées myodésopsies chez l’humain, ont été observées chez de nombreuses espèces, notamment les chiens, les chats, les chevaux et les primates. Elles sont parfois liées à l’âge, à des troubles oculaires ou à des anomalies du développement oculaire. Leur impact reste difficile à mesurer, mais une chose est sûre : les corps flottants ne sont pas une exclusivité humaine.

Qu’est-ce qu’un corps flottant chez l’animal ?
Chez l’humain, les corps flottants sont perçus comme des taches, filaments ou toiles d’araignée mobiles dans le champ visuel. Ils sont causés par des condensations de collagène dans le vitré. Chez les animaux, ces opacités sont également présentes, mais non exprimées verbalement.
Des vétérinaires les observent grâce à :
• L’ophtalmoscopie indirecte
• L’échographie oculaire B-mode
• Des examens de fond d’œil sous anesthésie
Dans une étude vétérinaire de référence (Gelatt et al., 1994), des opacités vitréennes ont été diagnostiquées chez plus de 20 % des chiens âgés de plus de 8 ans, souvent sans autres pathologies associées.
Les espèces concernées
Chiens
- Certaines races sont plus touchées : caniches, shih-tzus, cocker spaniels, ou labradors.
- Une étude de 2020 publiée dans Veterinary Ophthalmology a recensé des opacités vitréennes chez 38 % des chiens âgés de plus de 10 ans.
- Ces opacités peuvent être liées à la dégénérescence vitréenne, à l’uvéite, ou à la persistance du système hyaloïdien (structure embryonnaire).
Chats
- Moins fréquemment étudiés, mais des cas de vitré trouble ont été rapportés en contexte inflammatoire ou traumatique.
- Les chats atteints de toxoplasmose oculaire ou de FIV peuvent développer des anomalies du vitré.
Chevaux
- Très sensibles aux inflammations oculaires.
- Chez les chevaux atteints d’uvéite récidivante équine, des corps flottants peuvent être visibles à l’échographie.
- Environ 8 à 12 % des chevaux suivis en ophtalmologie présentent des modifications du vitré.
Primates non humains
- Les macaques et chimpanzés, très proches de l’humain sur le plan oculaire, présentent des vitrés comparables au nôtre.
- En recherche biomédicale, des corps flottants sont fréquemment observés dans les modèles de vieillissement chez les singes.
Les causes chez l’animal
Comme chez l’humain, les corps flottants chez l’animal peuvent apparaître pour plusieurs raisons.
La première, c’est le vieillissement naturel du vitré. Avec l’âge, ce gel transparent situé au centre de l’œil perd sa structure. Il devient plus liquide, se contracte, et laisse apparaître des condensations de collagène en suspension. Ces petits dépôts flottent dans l’œil, comme des poussières dans l’eau.
Deuxième cause fréquente : les inflammations oculaires, appelées uvéites. Elles peuvent être provoquées par des infections (toxoplasmose chez le chat, leptospirose chez le chien), des maladies auto-immunes ou des traumatismes. Ces inflammations modifient la composition du vitré, entraînant la formation d’opacités.
Les traumatismes oculaires peuvent aussi provoquer des corps flottants. Un choc, une perforation de l’œil ou une hémorragie intraoculaire peuvent laisser des débris ou du sang dans le vitré, visibles sous forme de filaments ou de taches sombres.
Certaines anomalies sont présentes dès la naissance. C’est le cas de la persistance de l’artère hyaloïde, une structure embryonnaire qui devrait normalement disparaître avant la naissance. Lorsqu’elle reste partiellement visible dans le vitré, elle peut former des opacités mobiles.
Enfin, des maladies générales comme le diabète (chez le chien) ou certaines infections chroniques peuvent aussi affecter le vitré et favoriser l’apparition de flottants.
Les causes sont donc multiples, mais elles ont un point commun : elles modifient la transparence du vitré, et laissent derrière elles des traces visibles… pour qui peut les percevoir.

Ressentent-ils une gêne visuelle ?
Impossible de le savoir avec certitude. Les animaux ne peuvent pas verbaliser une gêne visuelle subjective. Mais certains comportements peuvent faire penser qu’ils perçoivent « quelque chose » :
- Mouvement de la tête ou des yeux en suivant un objet inexistant
- Agitation visuelle sans stimulus
- Comportement d’évitement en cas d’éblouissement ou forte lumière
Cependant, aucune étude comportementale ne prouve formellement qu’ils sont gênés par les corps flottants, comme peuvent l’être les humains.
Ce que dit la science vétérinaire
- Un article de 2011 (Veterinary Clinics of North America) recommande une surveillance des corps flottants chez le chien, en particulier lorsqu’ils sont associés à des troubles inflammatoires.
- Dans une étude sur 82 chiens atteints d’uvéite, 27 % avaient des opacités vitréennes visibles, souvent accompagnées d’une baisse d’acuité visuelle.
- Une publication de 2017 sur les chevaux a révélé que la présence d’opacités vitréennes était corrélée à une baisse de performance visuelle chez les chevaux de course.
Et s’ils pouvaient parler ?
C’est là toute la question. Chez l’humain, les corps flottants sont extrêmement fréquents : plus de 76 % des personnes de plus de 60 ans en perçoivent, selon une étude japonaise (Tanaka et al., 2008). Mais c’est l’impact subjectif qui détermine la gêne.
Chez l’animal, nous ne pouvons mesurer que des signes indirects, ou des images échographiques. On peut donc supposer que des animaux voient eux aussi des filaments ou ombres passer dans leur champ visuel… sans que cela soit forcément handicapant.
Une piste de réflexion sur l’adaptation
La neuroplasticité ne concerne pas que l’humain. Les animaux s’adaptent, eux aussi, à des troubles visuels progressifs. Le cerveau apprend à compenser les défauts, à ignorer ce qui gêne, à prioriser ce qui est important. C’est le cœur du principe de l’application CLEAR : apprendre à mieux vivre avec ce que l’on ne peut pas faire disparaître.
Les corps flottants ne sont pas l’apanage des humains. Ils existent aussi chez nos compagnons à quatre pattes, nos animaux de travail et même nos cousins primates. S’ils ne peuvent pas s’en plaindre, leur existence est scientifiquement documentée. Et cela nous rappelle une chose essentielle : la vision n’est pas qu’une affaire d’yeux. C’est une affaire de cerveau. Et parfois, de résilience silencieuse.









