Peut-on vraiment apprendre à ignorer les corps flottants ?
Peut-on vraiment apprendre à ignorer les corps flottants ? La réponse de la science
Oui, le cerveau peut apprendre à ignorer les corps flottants. C’est prouvé.
Les myodésopsies — ces points noirs, filaments ou toiles d’araignée qui dérivent dans votre champ de vision — sont souvent perçues comme une fatalité. En réalité, notre cerveau peut s’y adapter. C’est ce qu’on appelle la neuroplasticité visuelle.

Le cerveau, un filtre intelligent
Le cerveau humain est capable de réorganiser ses circuits pour s’adapter à un changement sensoriel. C’est grâce à cette propriété que certains aveugles lisent en braille ou que des patients retrouvent une fonction motrice après un AVC. Le champ de la vision ne fait pas exception.
Des exemples qui prouvent que la perception est malléable
Plusieurs phénomènes montrent que notre cerveau filtre ou ignore certaines informations visuelles :
- La tache aveugle : chaque œil a une zone sans photorécepteurs. Pourtant, vous ne voyez pas de “trou noir”. Le cerveau la comble automatiquement.
- Les lunettes inversées : dès les années 1890, les expériences ont montré qu’après quelques jours avec des lunettes retournant le monde à l’envers, les sujets voyaient à nouveau « normalement ».
- L’illusion de Troxler : fixez un point, les éléments en périphérie disparaissent. Le cerveau ignore ce qui ne bouge pas ou n’est pas pertinent.
Ces mécanismes sont au cœur de l’approche CLEAR.
Ce que disent les études
- Une étude par Zhang et al. (2015) montre que le cortex visuel peut ajuster sa réponse à des stimuli non pertinents après une exposition répétée.
- Raichle et al. (2001) ont mis en évidence le rôle du “default mode network” dans le filtrage de l’information visuelle parasite.
- Hesselmann et al. (2010) ont observé une diminution progressive de l’activité neuronale dans le cortex visuel primaire en réponse à des stimuli répétitifs non pertinents — comme… un corps flottant.
Autrement dit : la gêne visuelle peut diminuer sans que le corps flottant disparaisse.
Une adaptation neurovisuelle documentée
La diminution de la gêne liée aux corps flottants sans changement physique de leur structure est un phénomène bien connu en neurosciences. Ce processus repose sur des mécanismes combinés d’habituation perceptive, de réduction de la saillance attentionnelle et de modulation corticale.
1. L’habituation perceptive
L’habituation est une forme élémentaire d’apprentissage non associatif. Elle permet à un organisme de diminuer sa réponse à un stimulus répété, non menaçant, et non pertinent sur le plan fonctionnel. Dans le cadre des corps flottants, cette habituation peut conduire à une réduction progressive de la conscience du stimulus visuel, même si ce dernier est toujours présent dans le champ de vision.
➡ Référence : Rankin et al., 2009. “Habituation revisited: an updated and revised description of the behavioral characteristics of habituation.” Neurobiology of Learning and Memory.
2. L’attention sélective et la saillance
Le système visuel humain priorise certains stimuli selon leur valeur attentionnelle, définie par leur nouveauté, leur mouvement, leur contraste ou leur association à une menace. Les corps flottants sont initialement très saillants — car nouveaux, mobiles, imprévisibles. Mais à mesure qu’ils deviennent familiers et que l’anxiété diminue, leur indice de priorité attentionnelle chute.
➡ Référence : Itti & Koch, 2001. “Computational modelling of visual attention.” Nature Reviews Neuroscience.
3. La modulation corticale
Les études d’imagerie fonctionnelle ont montré que l’activité dans les aires visuelles primaires (V1, V2) peut être diminuée volontairement ou automatiquement lorsque le cerveau juge un stimulus inutile. Ce filtrage perceptif s’observe notamment dans le phénomène de Troxler, ou dans les zones périphériques du champ visuel lors d’une tâche de concentration centrale.
➡ Référence : Hesselmann et al., 2010. “Spontaneous local variations in ongoing neural activity bias perceptual decisions.” PNAS.
Une gêne qui se traite sans intervention invasive
L’ensemble de ces données suggère qu’il est possible de réduire significativement la gêne liée aux corps flottants par un entraînement attentionnel et perceptif, sans recours à la chirurgie ni au laser.
Cette approche, non invasive, mobilise les capacités naturelles d’adaptation du cerveau et s’inscrit dans un cadre plus large de réhabilitation sensorielle, comme cela existe déjà en audiologie (acouphènes), en kinésithérapie (vertiges), ou en neurologie (membres fantômes).
En résumé :
- Le corps flottant est toujours là.
- Mais le cerveau ne le considère plus comme une information utile.
- Et cela suffit, dans de nombreux cas, à restaurer le confort visuel et mental.








