pourquoi votre cerveau perçoit les corps flottants plus intensément ?

Aurore Allemand • 6 mars 2025

Vous avez l’impression que vos corps flottants deviennent plus visibles lorsque vous êtes stressé ou anxieux ? Ce n’est pas qu’une sensation. Le stress modifie la façon dont votre cerveau traite les stimuli visuels, rendant ces taches et filaments plus présents dans votre champ de vision. Ce phénomène repose sur plusieurs mécanismes neurologiques bien connus.

Hyperfocalisation et plasticité neuronale : quand le cerveau amplifie la perception


Notre cerveau est conçu pour filtrer en permanence les informations sensorielles inutiles. Ce processus, appelé habituation perceptive, permet par exemple d’ignorer un bruit de fond après un certain temps. En conditions normales, ce mécanisme aide à atténuer la perception des corps flottants.


Mais sous l’effet du stress et de l’anxiété, ce filtrage devient moins efficace. L’esprit entre en état d’hypervigilance, un mode où il amplifie les signaux qu’il perçoit comme gênants ou menaçants. Les corps flottants, qui passeraient inaperçus dans un état de calme, deviennent alors un point de fixation. Plus on y prête attention, plus le cerveau les perçoit. Ce phénomène est similaire à celui observé dans les acouphènes : plus on les écoute, plus ils semblent envahissants.


Des études en neurosciences ont montré que l’attention sélective modifie l’activité du cortex visuel et du thalamus, deux zones impliquées dans le traitement des signaux sensoriels. Lorsque l’on concentre son attention sur un stimulus visuel, son signal est renforcé dans le cerveau (Posner & Petersen, 1990).





Le rôle du stress : une amplification via le système nerveux autonome


Le stress ne se contente pas d’affecter l’attention : il modifie aussi le fonctionnement physiologique des yeux. Lorsqu’une personne est anxieuse, son système nerveux sympathique s’active, déclenchant la fameuse réponse de “combat ou fuite”. Cette activation provoque plusieurs changements qui rendent les corps flottants plus visibles :


Dilatation des pupilles : une pupille plus grande augmente la quantité de lumière entrant dans l’œil, accentuant les contrastes et rendant les flottants plus perceptibles.

Fatigue musculaire : l’anxiété provoque une tension des muscles oculaires, ce qui peut perturber la mise au point et renforcer la perception des flottants.

Augmentation du cortisol : cette hormone du stress altère la plasticité cérébrale et rend plus difficile l’habituation aux stimuli visuels gênants.


Van der Werf et al. (2009) a démontré que le stress chronique modifie le fonctionnement du cortex sensoriel, rendant les stimuli visuels plus intrusifs et difficiles à ignorer.


Hyperfocalisation et plasticité neuronale : quand le cerveau amplifie la perception

Le cercle vicieux du stress et des corps flottants : un conditionnement négatif


Une étude en IRM fonctionnelle (Schmidt et al., 2013) a révélé que les personnes anxieuses présentent une hyperactivité du cortex cingulaire antérieur, une zone impliquée dans la focalisation excessive sur les sensations corporelles et visuelles.

L’anxiété et la focalisation excessive sur un stimulus peuvent créer une boucle de renforcement négatif. Plus une personne surveille ses corps flottants, plus son cerveau associe leur présence à une réaction de stress, ce qui renforce inconsciemment leur perception.

Ce mécanisme de conditionnement négatif est bien connu dans d’autres troubles sensoriels comme :


L’hyperacousie (perception excessive des sons), où l’attention exagérée à certains bruits les rend plus insupportables.

Les douleurs chroniques, où le cerveau devient hypersensible à des sensations qui, en temps normal, passeraient inaperçues.


Voici comment cette boucle fonctionne avec les corps flottants :

1️⃣ Présence de corps flottants → 2️⃣ Réaction anxieuse et focalisation → 3️⃣ Hypervigilance et amplification de la perception → 4️⃣ Stress accru → 🔄 Retour à l’étape 1




Fatigue visuelle et sécheresse oculaire : des facteurs aggravants


Le stress est souvent associé à une augmentation du temps passé sur les écrans. Or, fixer un écran pendant des heures réduit le clignement des paupières, ce qui entraîne une sécheresse oculaire. Un œil sec capte davantage les imperfections du vitré, rendant les corps flottants encore plus apparents.


De plus, la fatigue visuelle due à une exposition prolongée à la lumière bleue accentue la perception des flottants. L’œil fatigué peine à s’adapter aux contrastes, ce qui fait ressortir les opacités du vitré.


Des recherches ont montré que la sécheresse oculaire diminue la stabilité du film lacrymal et augmente la perception des imperfections visuelles (Tsubota et al., 2018).


oeil sec

Sensibilité individuelle : pourquoi certaines personnes les perçoivent plus que d’autres ?


Des études ont montré que les individus présentant une forte activité du réseau de la saillance (une région du cerveau impliquée dans la détection des stimuli gênants) ont plus de mal à ignorer des signaux visuels indésirables (Seeley et al., 2007). Tout le monde n’est pas égal face aux corps flottants. Certaines personnes les oublient rapidement, tandis que d’autres y restent hypersensibles pendant des années. Plusieurs facteurs influencent cette différence :

Le niveau d’anxiété naturel : les personnes anxieuses ou perfectionnistes sont plus enclines à focaliser leur attention sur des détails visuels.

Les antécédents de troubles sensoriels : ceux qui souffrent d’acouphènes, de migraines visuelles ou d’hyperacousie ont souvent un système nerveux plus sensible aux stimuli sensoriels.

L’état de santé général : la fatigue, les carences nutritionnelles (notamment en magnésium et en oméga-3) et certaines pathologies comme la sécheresse oculaire ou les troubles neurologiques peuvent aggraver la perception des flottants.


Peut on briser ce cercle vicieux ?


Si l’anxiété et la focalisation amplifient les corps flottants, alors inverser ce processus peut aider à réduire leur impact. Voici quelques stratégies basées sur les neurosciences :


Détourner son attention : des exercices de distraction cognitive peuvent aider le cerveau à “oublier” progressivement ces intrusions visuelles.

Pratiquer la relaxation : la méditation, la respiration profonde et les techniques de gestion du stress réduisent l’activité du système nerveux sympathique.

Rééduquer le cerveau : des approches inspirées de la plasticité neuronale, comme la compensation perceptive, peuvent entraîner le cerveau à ignorer les flottants plus efficacement.




Conclusion : l’anxiété intensifie réellement la perception des corps flottants


Ce n’est pas une simple impression : le stress et l’attention excessive modifient la manière dont le cerveau traite les corps flottants. Plus on y pense, plus ils semblent présents. Ce phénomène repose sur des mécanismes neurologiques bien établis, impliquant la focalisation visuelle, la réponse au stress et le conditionnement négatif.


Réduire l’anxiété et apprendre à détourner son attention ne font pas disparaître les corps flottants, mais permettent d’en atténuer significativement l’impact, jusqu’à ce que le cerveau les filtre naturellement.


par Rédaction Clear 19 juin 2025
Ils apparaissent un jour dans le champ visuel. Taches, filaments, nuages mobiles. Parfois discrets. Parfois obsédants. Que sont ces “corps flottants” ? Pourquoi apparaissent-ils ? Et surtout : que peut-on faire quand ils gâchent la vue ? Nous avons posé toutes les questions — même les plus dérangeantes — à un spécialiste de la vision. Voici ses réponses. Ce que vous voyez, ce ne sont pas des illusions. Ce sont de petites opacités situées dans le vitré, ce gel transparent qui remplit l’œil entre le cristallin et la rétine. Ces opacités projettent des ombres sur la rétine quand la lumière les traverse. Résultat : vous percevez comme des taches, des filaments, des bulles… qui semblent flotter et se déplacer quand vous bougez les yeux. Est-ce que c’est grave ? Dans la grande majorité des cas, non. C’est gênant, parfois très invalidant sur le plan fonctionnel ou psychologique, mais ce n’est pas dangereux pour la santé visuelle si le fond d’œil est normal. En revanche, si les corps flottants apparaissent brutalement, en nuage dense ou avec des flashs lumineux, il faut consulter en urgence. Cela peut révéler un décollement du vitré ou une déchirure rétinienne. Pourquoi apparaissent-ils ? Les causes sont multiples. Le plus souvent, c’est le vieillissement du vitré. Il se liquéfie, se détache de la rétine, et des fibres de collagène s’agglutinent. Mais ils peuvent aussi apparaître plus tôt chez : • les myopes (surtout fortes myopies), • les personnes opérées de la cataracte, • après un traumatisme oculaire, • ou parfois sans cause apparente. Est-ce que les écrans ou le stress peuvent les provoquer ? Les écrans ne causent pas directement les corps flottants, mais ils peuvent amplifier la gêne. Un fond clair, une fixation prolongée, une fatigue oculaire : tout cela accentue la perception. Quant au stress, il n’est pas responsable de leur apparition, mais il aggrave souvent la gêne ressentie. Le cerveau devient plus sensible, plus focalisé sur l’inconfort. Est-ce que ça peut disparaître ? Pas vraiment. Les corps flottants ne s’évaporent pas, mais ils peuvent se déplacer en dehors de la zone centrale, ou devenir moins visibles à mesure que le cerveau s’y habitue. C’est ce qu’on appelle l’habituation visuelle. Peut-on vraiment s’y habituer ? Oui. Et ce n’est pas qu’une question de patience. C’est un mécanisme actif. Le cerveau apprend à ignorer les signaux perturbants — comme il ignore naturellement la tache aveugle ou le nez dans notre champ visuel. Cela s’appelle la neuro-adaptation. Ce processus varie selon les personnes : certains s’habituent vite, d’autres mettent des mois, voire jamais sans aide. Quel examen faut-il faire ? Un fond d’œil avec dilatation est indispensable, surtout si les corps flottants sont récents ou s’accompagnent d’éclairs lumineux. C’est le seul moyen de vérifier que la rétine n’est pas déchirée ou décollée. Une OCT du vitré peut aussi être utile, mais elle n’est pas systématique. Pourquoi les ophtalmologistes ne proposent rien ? Parce que la médecine ne dispose que de deux options : • la vitrectomie, une chirurgie invasive avec des risques (décollement de rétine, cataracte, infection) • ou la vitréolyse au laser, efficace dans des cas très ciblés mais encore controversée. Dans la majorité des cas, les ophtalmologistes préfèrent ne rien faire pour éviter de nuire, car le risque du traitement est jugé supérieur à la gêne. Ce n’est pas un abandon, c’est une prudence éthique. Mais du coup… on fait quoi ? On explore une autre voie. Celle du cerveau. Il ne s’agit pas de supprimer les corps flottants, mais d’apprendre à les tolérer, à les filtrer. Des programmes d’entraînement visuel basés sur la neuroplasticité permettent d’amplifier l’habituation naturelle, via des exercices de focalisation, de désensibilisation, ou de simulation contrôlée. Est-ce que ces méthodes marchent vraiment ? Des résultats cliniques préliminaires et des retours patients montrent que plus de 70 % des personnes entraînées rapportent une réduction significative de la gêne. Cela ne veut pas dire que les corps flottants disparaissent, mais qu’ils deviennent moins visibles, moins envahissants, moins obsessionnels. Est-ce que c’est accessible à tous ? Oui. Ces approches sont non invasives, réalisables à domicile, et adaptées à tous ceux qui souffrent d’une gêne sans indication chirurgicale. Le plus important, c’est la régularité : c’est un travail d’adaptation, pas un traitement instantané. Un dernier mot pour ceux qui en souffrent ? Ne restez pas seul. La gêne est réelle, même si elle est invisible aux autres. Ce que vous ressentez mérite d’être reconnu, accompagné, compris. Il n’existe peut-être pas de solution radicale aujourd’hui, mais il existe des chemins de soulagement, basés sur ce que le cerveau sait faire de mieux : s’adapter. Participer à notre enquête
yeux animaux corps flottant
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Pourquoi votre ophtalmologiste ne vous propose rien pour vos corps flottants ? Parce qu’il ne s’agit pas d’un problème dangereux pour la santé visuelle. Les corps flottants, aussi gênants soient-ils, ne menacent pas votre rétine. C’est pourquoi, en l’absence de décollement ou de signe grave, la réponse médicale reste souvent : « Il faut apprendre à vivre avec ». Ce n’est pas de la négligence, mais un choix de prudence. Et il existe aujourd’hui des solutions alternatives, comme l’entraînement visuel neuro-adaptatif.
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Qu’est-ce qu’une vitrectomie ? La vitrectomie est une chirurgie de l’œil qui consiste à retirer partiellement ou totalement le vitré, une substance gélatineuse située à l’intérieur de l’œil. Elle est indiquée dans les cas graves comme un décollement de rétine, une hémorragie intraoculaire ou un trou maculaire. Elle peut aussi être proposée, en dernier recours, pour des corps flottants très invalidants. Bien que très efficace, la vitrectomie est une procédure invasive, avec des risques potentiels comme la cataracte précoce ou un décollement de rétine, ce qui limite son indication aux cas sévères.
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